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1882 : L’arrivée du train à Saint-Eustache

Tchou! Tchou! Entendez-vous le train qui entre en gare? C’est en 1882 que le chemin de fer de Saint-Eustache est inauguré. Pendant 60 ans, il reliera le village de Saint-Eustache à celui de Sainte-Thérèse. En plus de permettre aux agriculteurs de la région d’expédier rapidement leurs produits frais à Montréal, il fait de Saint-Eustache une destination prisée de la bourgeoisie francophone montréalaise, qui vient y passer ses étés. L’essor de l’automobile sonnera le glas du chemin de fer de Saint-Eustache. Dans cet article, découvrez comment ce nouveau moyen de transport a profondément transformé Saint-Eustache.

Vignette : La gare de Saint-Eustache. (Ville de Saint-Eustache. Service des archives. Fonds Granda.)

Le train au 19e siècle : un moyen de transport en plein essor

L’utilisation du train comme moyen de transport pour les personnes et les marchandises augmente de façon irrésistible au Québec à partir des années 1830. Dès 1836, un premier chemin de fer est construit par la Champlain & St Laurence Railroad Company entre La Prairie et Saint-Jean-sur-Richelieu pour faire la liaison entre la région de Montréal et le port de New York.

En 1847, la Montreal and Lachine Railroad Company construit un premier chemin de fer sur l’île de Montréal. Une foule de tracés viennent s’y ajouter, couvrant rapidement tout le territoire montréalais. Cette construction rapide permet à la ville de prendre de l’expansion, notamment vers l’ouest, où se développe une importante communauté anglophone à partir de 1856.

Ce détail d'une carte régionale de la province de Québec réalisée en 1882 montre l'étendue du réseau ferroviaire dans la grande région montréalaise à la veille de l'inauguration du chemin de fer reliant les villages de Saint-Eustache et de Sainte-Thérèse. (Archives de la Ville de Montréal. CA M001 VM066-5-P019.)
Produite en 1919, cette carte de Montréal et de ses environs témoigne de la rapide expansion du réseau ferroviaire entre 1882 et 1919. (Archives de la Ville de Montréal. CA M001 VM066-5-P-143.)

Le train permet aussi d’ouvrir au tourisme des régions plus éloignées de la métropole. C’est le cas, par exemple, de la région du Lac-Saint-Jean en 1888. Saint-Eustache n’échappe pas à cette révolution technologique.

Un vent de prospérité souffle sur Saint-Eustache

À la fin du 19e siècle, Saint-Eustache s’est remise des destructions causées par l’armée britannique et les volontaires loyaux lors de l’affrontement de décembre 1837. En effet, elle bourdonne d’activité économique comme jamais.

L’agriculture en particulier est prospère : produits laitiers, récoltes et animaux de boucherie sont régulièrement acheminés vers Montréal par voie maritime, de même que quelques produits artisanaux.

Le transport par bateau n’est cependant pas possible durant les mois d’hiver. Les routes ne sont d’aucun secours. Elles sont mal tracées, mal entretenues et peu déneigées. Il faut attendre la popularisation de l’automobile dans les années 1910-1920 pour que les gouvernements fassent du développement du réseau routier une priorité pour la croissance économique.

Cette locomotive à vapeur de la Quebec, Montreal, Ottawa & Occidental Railway a été baptisée en hommage à Henri-Gustave Joly de Lotbinière, premier ministre du Québec de 1878 à 1879. La Quebec, Montreal, Ottawa & Occidental Railway a opéré la ligne de chemin de fer qui reliait Sainte-Thérèse à Saint-Jérôme, à laquelle se rattachera le chemin de fer de Saint-Eustache, jusqu'à son rachat par le Canadien Pacifique en 1882. Cette photo a été prise le 19 septembre 1878. (Timms & Howard / Bibliothèque et Archives Canada / C-002617)

Le train représente donc la meilleure option pour transporter les marchandises et les personnes de Saint-Eustache à Montréal et vice-versa. C’est la conclusion à laquelle en arrive le seigneur et homme d’affaires eustachois Charles-Auguste-Maximilien Globensky au tournant des années 1880.

La Compagnie du chemin de fer de Saint-Eustache : une affaire de notables

Le projet de Globensky est simple : construire une gare à Saint-Eustache et la relier au chemin de fer de la Quebec, Montreal, Ottawa & Occidental Railway qui relie Sainte-Thérèse à Montréal.
Le seigneur et homme d'affaires eustachois Charles-Auguste-Maximilien Globensky, mars 1875. (Topley Studio / Bibliothèque et Archives Canada)

Pour l’aider dans son projet, le seigneur Globensky s’entoure de deux habitants fortunés du village de Saint-Eustache : le marchand Daniel-Adolphe Plessis-Bélair et l’avocat et député Charles L. Champagne. Il s’adjoint également le banquier et négociant Jean-Baptiste Renaud ainsi que le seigneur et homme d’affaires Édouard Campbell-Wurtell.

Charles L. Champagne. (J.E. Livernois Photo. Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

Ces cinq hommes fondent la Compagnie du chemin de fer de Saint-Eustache en décembre 1881. L’acte incorporant stipule que la compagnie aura le « pouvoir d’acheter, louer et exploiter des chemins de fer ou des bateaux à vapeur, de construire des élévateurs et les exploiter, et en général de transporter par voitures ou autrement du fret et des passagers dans la province de Québec. »

Un projet dispendieux pour Saint-Eustache

Très bien connectés politiquement, les cinq fondateurs de la nouvelle entreprise parviennent aisément à obtenir le soutien financier du village de Saint-Eustache et de la paroisse civile, l’un et l’autre accordant 1 500 $ pour la construction du chemin de fer.

Samedi matin, le 19 du courant, une messe solennelle était chantée par le Révérend messire Guyon, pour obtenir la bénédiction du ciel sur les travaux du chemin de fer de St-Eustache. Les conducteurs des travaux, les travailleurs et tous les notables tant du village que de la paroisse assistaient à l'office.

À l'issue de la messe, tout le monde se rendit sur le lieu des travaux où M. Globensky fit l'historique de ce chemin tant de fois demandé, tant de fois si légitimement sollicité, et du travail colossal qui depuis un temps presque immémorial avait été fait pour l'obtenir. Dans un langage bien pensé et patriotique, il dit que si St-Eustache jusqu'à présent avait été sacrifié, il allait enfin obtenir justice et figurer avec avantage parmi ses voisins et les places les plus progressives.

Ces sommes, qui sont énormes pour l’époque, forcent les deux administrations à s’endetter! Ainsi, le règlement numéro 16 du village de Saint-Eustache stipule que celui-ci est obligé de « fournir et payer la moitié du prix nécessaire pour la construction et l’établissement d’un embranchement du chemin de fer Québec-Montréal-Ottawa et Occidental pour relier les villages de Ste-Thérèse et de St-Eustache ».

La marque de commerce du Canadien Pacifique, dessinée par John Henry Walker. (Musée McCord-Stewart, M930.50.5.13)

Les travaux sont lancés au début de l’année 1882, mais à peine sont-ils commencés que la Compagnie du chemin de fer de Saint-Eustache est achetée par le Canadien Pacifique, qui s’engage à compléter les travaux. Quelques mois plus tard, la liaison entre Saint-Eustache et Montréal est faire via Sainte-Thérèse. Globensky, ses acolytes et les actionnaires de l’entreprise réalisent ainsi un profit très rapidement. 

Des impacts économiques positifs

Le magasin général de Joseph-Albert Paquin. (Ville de Saint-Eustache. Service des archives. Fonds Beauchamp.)
Le magasin d'Ernest Lahaie. (Ville de Saint-Eustache. Service des archives. Fonds Beauchamp.)

L’arrivée du train à Saint-Eustache a un effet positif immédiat sur les commerçants du village. Joseph-Albert Paquin et Ernest Lahaie, qui tiennent chacun un magasin général, se font construire de grands entrepôts près de la gare pour pouvoir recevoir et expédier facilement des marchandises. De même, les produits laitiers et agricoles frais sont envoyés quotidiennement à Montréal, c’est-à-dire à un rythme jamais connu auparavant.

À VENDRE

AU VILLAGE DE SAINT-EUSTACHE, deux emplacements d'une contenance plus que moyenne chacun, sis sur la grande rue, à un endroit très rapproché du dépôt du chemin de fer, avec maisons, magasins et autres bâtiments dessus érigés.

Ce sont les plus beaux emplacements qui puissent être offerts à toutes personnes désireuses de profiter des avantages que la ligne de chemin de fer peut fournir à tout industriel ou manufacturier, ou comme résidences privées.

On pourra aussi choisir des lots vacants à l'endroit le plus avantageux du village.

Le tout à des conditions faciles et raisonnables. Pour plus d'informations, s'adresser à M. PIERRE VANIER, ou à

GEORGES N. FAUTEUX, notaire.

Le chemin de fer permet aussi le développement d’un nouveau secteur économique à la fin du 19e siècle : la villégiature. En effet, Saint-Eustache, qui ne se trouve désormais qu’à une cinquantaine de minutes de Montréal en train, devient l’un des lieux de vacances les plus prisés par la bourgeoisie montréalaise francophone pendant la saison estivale. Ceux-ci louent une chambre à l’un des nombreux hôtels du village et ou se font construire une luxueuse villa pour passer l’été loin de la chaleur de la ville.

L'hôtel Rivière-du-Chêne, autrefois situé à l'angle des rues Saint-Eustache et Dorion. (Ville de Saint-Eustache. Service des archives. Fonds Granda.)
L'hôtel Saint-Eustache. (Ville de Saint-Eustache. Service des archives. Fonds Granda.)

L’automobile sonne le glas du chemin de fer de Saint-Eustache

À partir des années 1920, la popularité extraordinaire de l’automobile et le début des déplacements en autobus réduisent l’utilisation du train par les particuliers. Cette nouvelle réalité pousse le Canadien Pacifique à mettre un terme au transport par train entre Saint-Eustache et Sainte-Thérèse. La gare de Saint-Eustache, située sur la rue Saint-Viateur, est démolie en 1940 pour céder la place au transport routier.
 
Vous avez envie d’en savoir plus sur les moyens utilisés à travers le temps par les Eustachois pour se déplacer? Explorez notre circuit virtuel Les transports à Saint-Eustache
La gare du Chicot. (Ville de Saint-Eustache. Service des archives. Fonds Beauchamp.)

Références bibliographiques

Beauchamp, Germain et Marc Paquette. Deux-Montagnes dans le cours de l’histoire, Québec : Éditions GID, 2006.

Cadrin, Gaston et Michel Lessard, « Les sentiers de la villégiature », Cap-aux-Diamants, 33 (1993) : 10-14.

Charbonneau, Ginette, « Saint-Eustache au temps passé : les hôtels disparus », La Feuille de Chêne 9, 2 (2006) : 6-11.

« Chemin de fer de Saint-Eustache : Règlement numéro 16 (26 août 1881) », Cahiers d’histoire de Deux-Montagnes 2, 2 (1979), 46-47.

Gazette officielle du Québec, 9 décembre 1981, p. 2627, (en ligne) https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2354636

Grignon, Claude-Henri, « Le Chemin de fer de Saint-Eustache », Revue des Deux-Montagnes, 4 (1996) : 47-67.

Lauzon, Alex, « Le développement des chemins de fer à Montréal », Archives de Montréal (en ligne), http://archivesdemontreal.com/2021/04/19/le-developpement-des-chemins-de-fer-a-montreal/.

Paquette, Marcel. Villégiature et tourisme au Québec, Tome 1 : 1880-1910, Québec, Éditions GID, 2005,

Tremblay, Alex, « L’avènement de l’automobile au Québec : une petite révolution tranquille au tournant du XXe siècle », Cap-aux-diamants, 111 (2012) : 17-21.

Vallières, Marc-Gabriel, « Le Chemin de fer de Saint-Eustache (1881-1882) » (en ligne), http://mgvallieres.com/trains/Cies/StEustache.htm.

Qui a écrit cet article?

Anthony M. Lafontaine est détenteur d’un baccalauréat et d’une maîtrise en histoire de l’Université de Montréal. Auteur publié, il a occupé différents emplois en centres d’archives ainsi qu’au sein du monde municipal. Il est chargé de projet pour Patrimoine culturel Vieux-Saint-Eustache depuis septembre 2021. 

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