De nos jours, prendre une photo est devenu un geste presque banal. On se promène d’ailleurs pratiquement tous avec un appareil photo sur soi. Puis, quelque chose nous interpelle. On veut s’en souvenir pour toujours et partager ce moment avec notre entourage. Alors notre main agrippe notre appareil. Notre œil cadre le sujet. Et clic ! Une photo est prise. Certains aiment tellement la photographie qu’ils en ont fait leur métier. L’Eustachois Germain Beauchamp (1931-2017) faisait partie de ceux-ci. Sa passion allait toutefois bien au-delà de la prise de photos avec sa collection de clichés anciens.
Vignette : Germain Beauchamp entouré d’appareils photo anciens tirés de sa collection. (Gracieuseté de Josée Beauchamp et Manon Beauchamp)
Dans l’œil du photographe
Une affaire familiale
Eustachois d’origine, Germain Beauchamp naît le 6 juin 1931. Il commence la photographie avec son frère Roland vers la fin des années 1940 en aidant ce dernier à photographier les mariages du samedi. Autodidacte, il perfectionne son talent à force de s’exercer et de se renseigner sur les dernières avancées technologiques dans le domaine de la photographie. Sa formation d’ébéniste lui sert également : il fabrique tout le mobilier de sa future boutique qui ouvre ses portes en 1976.
En 1970, Germain Beauchamp démarre sa propre entreprise qu’il aménage dans sa maison. Une véritable ambiance familiale se crée ainsi entre lui et ses clients. Ces derniers vont et viennent dans la maison et se rassemblent à la table de la cuisine, au salon et même au sous-sol. Le samedi, Germain Beauchamp peut photographier jusqu’à dix mariages en une seule journée. Les couples nouvellement mariés le visitent chez lui le vendredi suivant pour contempler ses épreuves photographiques.
Les membres de sa famille gravitent d’ailleurs autour de lui pour le soutenir dans le développement de son entreprise. Ainsi, son épouse Yvette devient sa principale collaboratrice, alors que ses deux filles ne ratent pas une occasion de lui prêter main-forte. Ces dernières sont d’ailleurs les mannequins préférées de Germain Beauchamp, qui leur fait appel autant pour lui permettre d’effectuer les réglages de ses appareils avant une séance photo que pour servir de sujets pour les nombreuses photographies qu’il soumet périodiquement à des concours de photographie.
À partir de 1981, l’une de ses filles, Josée Beauchamp, travaille à temps plein avec lui. En 1985, il change d’ailleurs le nom officiel de son commerce pour « Atelier de photographie Germain Beauchamp et Fille inc. ». C’est la première entreprise à Saint-Eustache avec la mention « et fille » au lieu de « et fils ».
Un pionnier
Inventif, Germain Beauchamp trouve des méthodes originales pour attirer sa clientèle. À ses tout débuts, il a l’initiative d’organiser un « salon de la mariée » au centre civique de Saint-Eustache où son kiosque occupe la place centrale avec une imposante exposition de photographies de mariage. Cet événement était très avant-gardiste pour la région et permettait aux gens d’affaires de l’industrie du mariage, tels que traiteur, fleuristes, musiciens, etc. de faire connaître leurs produits et services aux futurs mariés.
La photographie conduit Germain Beauchamp dans toutes sortes de milieux et d’endroits. Il photographie tout au long de sa carrière plusieurs personnalités d’affaires des Laurentides. Il reçoit même le mandat flatteur et inusité d’aller photographier un mariage à l’étranger. Il travaille aussi comme photographe pour le journal local La Victoire. Dans les années 1970 et 1980, il aide la Section des homicides du Service de police de la Ville de Saint-Eustache comme photographe judiciaire pour les accidents, les homicides et les incendies. Il forme ensuite le premier policier du service à ce métier. Pendant de nombreuses années, il photographie des centaines d’élèves qui fréquentent les écoles de la région, d’Oka à Blainville, et il est également sollicité pour travailler jusqu’à Montréal et Saint-Donat. Au fil du temps, il devient une personnalité connue et il se fait interpeller dans les lieux publics parce que de nombreuses personnes le reconnaissent, lui qui a immortalisé tant de précieux souvenirs.
À l’ouverture de la rôtisserie Saint-Hubert à Saint-Eustache, Germain Beauchamp propose de décorer le restaurant avec d’anciennes photographies de la région, ce qui suscite un grand intérêt de la part de la clientèle. Après ce premier succès, il se rend au siège social de l’entreprise de restauration afin de proposer de décorer de la même manière tous leurs restaurants. Il obtient le contrat et parcourt le Québec en entier, en plus de se rendre jusqu’en Floride à la succursale de Fort Lauderdale. Le photographe eustachois contacte les sociétés d’histoire de chaque lieu qu’il visite afin d’obtenir des photographies anciennes. Il se charge ensuite lui-même de les agrandir en sépia, de les encadrer et de les installer dans chaque restaurant.
Zoom sur… la photographie sépia 📸
La photographie sépia s’obtient par un traitement chimique, le virage, pendant le développement des tirages photographiques. Ce procédé crée des photographies monochromes avec des variations de bruns au lieu des gris habituels.
En 1990, la Congrégation des Sœurs Grises de Montréal demande à Germain Beauchamp d’être leur photographe accompagnateur pendant un voyage en Terre sainte et au Vatican, organisé à l’occasion de la canonisation de Marguerite d’Youville. Il obtient ainsi un laissez-passer de photographe officiel pour le Vatican ainsi qu’une audience privée avec le pape Jean-Paul II. Cette rencontre est l’une des expériences les plus marquantes de sa vie.
Photographe attentif, Germain Beauchamp sait capturer un moment sur le vif. Alors qu’il s’apprêtait à photographier un mariage devant l’église de Saint-Eustache, il entend du vacarme, se retourne et prend des clichés d’un accident qui se produit à proximité. L’une des photos du tragique événement lui vaudra d’ailleurs un prix dans la catégorie « Reportage » de l’Association des photographes professionnels du Québec.
Un amoureux d’histoire et de patrimoine
En 1967, Germain Beauchamp entreprend un vaste photoreportage de l’Expo 67 tout au long de cet événement international majeur. L’ensemble totalise plus de 700 diapositives couleur du site et des pavillons. En 2008, cette collection est remise à Bibliothèque et Archives nationales du Québec afin d’en faire profiter toute la population québécoise. Quelques-unes de ses photographies paraissent d’ailleurs dans la revue L’Actualité en juin 2017 à l’occasion du cinquantenaire de l’Expo 67.
Membre actif
de l’Association des photographes professionnels du Québec, il reçoit en 1973
les titres de photographe de l’année et de maître photographe agréé grâce aux
nombreux concours de photographie qu’il remporte. En 2008, la Ville de
Saint-Eustache confère à Germain Beauchamp le titre de Grand citoyen de l’Ordre
de Saint-Eustache en raison de sa contribution et de son rayonnement
exceptionnel au sein de sa communauté. En 2016, le député de Deux-Montagnes, M. Benoit
Charette, lui remet la médaille de l’Assemblée nationale, en reconnaissance de
l’ensemble de sa carrière, dont la publication de trois livres qui
immortalisent l’histoire de la région par ses photos : Deux-Montagnes :
dans le cours de l’histoire (2006), Saint-Eustache : une
âme patriote (2008) et Patrimoine religieux du diocèse de
Saint-Jérôme (2011).
Dans le regard du collectionneur
Une collection d’appareils photo anciens
Si Germain Beauchamp est un photographe reconnu, il est également un grand collectionneur et un amateur d’histoire. Au fil du temps, il accumule les occasions de garnir sa collection d’appareils photo anciens, son plus vieux datant de 1890, mais également d’autres objets qui l’inspirent tels que des outils agricoles et ménagers, des livres et des articles scolaires d’antan.
Plusieurs objets de sa collection sont convoités pour des tournages cinématographiques. Dans ce contexte, il est appelé à faire de la figuration dans de grosses productions, notamment aux côtés des acteurs américains Richard Chamberlain et Christopher Plummer. Il a également été invité à participer à des productions québécoises connues, telles que Montréal ville ouverte, la minisérie Willie Lamothe, le film sur Maurice Richard, Aurore l’enfant martyre et le film Louis Cyr : l’homme le plus fort du monde.
La collection d’appareils photo anciens de Germain Beauchamp lui sert également à des occasions inusitées. Deux de ses appareils serviront notamment à fabriquer le moule dans lequel sera coulé le trophée des fameux prix « Flash d’or », remis par l’émission Flash, diffusée sur les ondes de TQS, de 1995 à 2008.
Dans une perspective éducative et ludique, une exposition issue d’objets de sa collection est montée à l’espace muséal du manoir Globensky de Saint-Eustache pendant l’été 1999. Les visiteurs ont le plaisir d’y découvrir plusieurs de ses caméras, des outils et des photos d’époque, en plus d’avoir l’occasion de visiter une classe d’autrefois garnie d’une multitude d’objets scolaires.
Une collection de photographies anciennes
Par ailleurs, Germain Beauchamp collectionne également des photographies anciennes. En 2012, la Ville de Saint-Eustache acquiert les photos de sa collection ayant pour sujet la région eustachoise. La collection Beauchamp est alors entièrement numérisée ; un travail de documentation est aussi entamé afin d’identifier les lieux, les personnes et les événements qui apparaissent sur les photos. Le fonds Beauchamp sera le point de départ du site Web le Grenier numérique, qui sera lancé en 2014 par la Ville de Saint-Eustache.
Encore aujourd’hui, la passion de Germain Beauchamp pour la photographie et le patrimoine continue de susciter l’intérêt. Au cours des dernières années, la collection Beauchamp a nourri plusieurs projets de mise en valeur du patrimoine eustachois réalisés par Patrimoine culturel Vieux-Saint-Eustache, tels que l’Eustachoscope, une série de circuits virtuels portant sur l’histoire de Saint-Eustache, et Virée dans l’temps !, un parcours ludico-historique numérique destiné aux familles.
Visitez le Grenier numérique afin de découvrir la collection de photographies anciennes de Saint-Eustache de Germain Beauchamp !
Nous tenons à remercier mesdames Josée et Manon Beauchamp pour les photographies présentées dans cet article, les informations sur la carrière de Germain Beauchamp et les histoires rattachées à sa collection.
Références bibliographiques
Fisch, E. et Ballos, G. (2023). Faire grande impression avec la photographie sépia. Adobe. https://www.adobe.com/fr/creativecloud/photography/discover/sepia-photography.html